Suite aux controverses sur le classement cancérogène du glyphosate, l’Anses a conçu, avec ses collectifs d’experts, un dispositif d’études toxicologiques visant à compléter l’exploration du potentiel caractère cancérogène de cette substance. Au terme de l’appel à candidatures international lancé en 2019 pour réaliser ces études, un consortium scientifique coordonné par l’Institut Pasteur de Lille, ainsi que le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) pour une étude spécifique, avaient été retenus. La sélection de certaines équipes ayant fait l’objet de critiques, l’Agence annonce ce jour le retrait du consortium de sept laboratoires sélectionné en avril dernier, les conditions de sérénité et de confiance nécessaires à la prise en compte de ces études lors de la réévaluation européenne du glyphosate en 2022 n’étant plus réunies. De ce fait, l’Agence financera uniquement l’étude originale proposée par le CIRC.* L’Anses regrette cette situation. Elle rappelle que si la présence des mêmes scientifiques à plusieurs étapes du processus a pu interroger, l’absence de conflit d’intérêt du coordonnateur du consortium, et de tous les responsables des laboratoires impliqués, vis-à-vis de l’industrie phytosanitaire avait été vérifiée. Le glyphosate est une substance active présente dans de nombreux produits herbicides, dont l’utilisation a été ré-approuvée pour cinq ans par l’Union européenne en décembre 2017. Pour mieux comprendre ses éventuels mécanismes d’action cancérogène et évaluer leur pertinence pour l’Homme, l’Anses a lancé en août 2019 un appel à candidatures pour la réalisation de plusieurs études complémentaires, telles que recommandées par l’Anses dans son avis « cahier des charges d’une étude sur le potentiel cancérogène du glyphosate » de mars 2019 (PDF) . Objectif : rassembler des données scientifiques les plus complètes possible sur le potentiel cancérogène du glyphosate en vue de la réévaluation européenne de la substance active en 2022. Pour financer ces études, un montant de 1,2 million d’euros est prévu dans le cadre du plan Ecophyto II+. L’examen des candidatures reçues a porté à la fois sur la pertinence des propositions en réponse au cahier des charges et sur l’originalité des solutions proposées. Le guide d’analyse des liens d’intérêt que l’Anses applique à ses experts et à ses personnels a été utilisé afin de vérifier l’absence de liens constitutifs de conflits d’intérêts au regard du travail demandé, notamment vis-à-vis des industriels commercialisant des produits phytopharmaceutiques. A titre exceptionnel, une déclaration d’intérêt a été demandée à chaque responsable scientifique des projets sélectionnés. Au terme du processus d’analyse des candidatures, l’Agence a annoncé le 30 avril dernier la sélection de deux projets (PDF) portés par : un consortium coordonné par l’Institut Pasteur de Lille, constitué de sept laboratoires - l’Institut Pasteur de Lille, le CEA, l’Université de Lille, l’Inserm (Institut NuMeCan), l’Université de Toulouse, l’ARPAE (Agency for Prevention, Environment and Energy, Italie) et le LABERCA - dont le programme couvrait l’ensemble du cahier des charges, avec des garanties en matière d’intégration des différents résultats et de comparabilité avec les données produites par les industriels dans un cadre réglementaire ; Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), qui proposait une étude originale visant à explorer d’éventuels effets génotoxiques du glyphosate suite à une exposition de longue durée de cultures cellulaires. Cette sélection, bien que scientifiquement pertinente, a été également pour l’Agence un choix par défaut puisque, malgré ses efforts pour promouvoir largement l’appel à candidatures à l’international, l’Agence a reçu uniquement quatre réponses, dont seulement celles de deux consortiums - le profil de candidature recherché par l’Agence. Ces deux consortiums étaient liés à des membres du comité d’experts de l’Agence ayant participé à la construction du dispositif d’études, ce qui a suscité les questions évoquées dans un article du Monde en date du 16 juin 2020. Compte tenu de l’enjeu de disposer des études complémentaires pour le processus européen de réévaluation en cours, l’Anses avait décidé de donner suite à l’appel à candidatures. Toutefois, les questions soulevées risquant de créer un climat de suspicion sur le résultat des études peu propice à la sérénité des débats scientifiques, la coordination du consortium lauréat, suivie par plusieurs laboratoires impliqués, a fait part du retrait de sa participation. Cette situation conduit de facto au retrait du consortium, dont l’approche intégrée était un élément clef pour garantir la qualité du dispositif d’études. Le projet mené par le CIRC sera en revanche maintenu et financé, et les résultats attendus pour le second semestre 2021*. L’Anses regrette le climat de tension et de suspicion qui entoure la question de l’évaluation des dangers et des risques du glyphosate, défavorable à la sérénité des débats scientifiques qui doivent exister. Elle salue le courage des équipes qui ont accepté de candidater sur cette thématique dans un contexte d’opinion tendu. L’Anses reste pleinement engagée pour développer, dans un cadre élargi au niveau européen, une recherche indépendante plus que jamais nécessaire pour alimenter l’évaluation des risques liés aux substances chimiques . Elle appelle la communauté scientifique à se mobiliser et à répondre aux appels à projets qui sont et seront lancés sur ce sujet. * En octobre 2020, le CIRC a fait part à l’Anses de sa décision de retirer son programme d’étude sur la toxicité du glyphosate afin de se recentrer sur de nouvelles priorités de recherche.