Protection

Travailleurs exposés aux produits phytopharmaceutiques : l'Anses recommande la réalisation de tests pour mieux évaluer les performances des équipements de protection individuelle

Dans le cadre de l'évaluation des préparations phytopharmaceutiques, la réglementation prévoit notamment une évaluation des risques pour les utilisateurs. Dans certains cas, l'autorisation d'une préparation peut être conditionnée par le port d'un équipement de protection individuelle (EPI) par les utilisateurs du produit. Afin de permettre au gestionnaire du risque, dans le cadre de la décision d'autorisation de mise sur le marché des produits, de préciser le type d'équipements à recommander aux futurs utilisateurs, l'Anses recommande d'intégrer dans la réglementation l'exigence pour le pétitionnaire de fournir des résultats de tests sur des EPI permettant d'attester sur la base d'essais normalisés et\ou d'études d'exposition, l'atteinte des objectifs de performance requis pour les équipements de protection pour le produit en question.

Les produits phytopharmaceutiques sont, par nature, des produits actifs pouvant se révéler nocifs pour l'environnement ou la santé. Leurs modalités d'utilisation et d'évaluation sont ainsi très encadrées au niveau législatif. Depuis plusieurs années, ce cadre réglementaire, désormais européen, s'est considérablement resserré. Les préparations phytopharmaceutiques et les substances actives qui les composent sont régulièrement réévaluées, pour chacun de leurs usages, au regard de critères permettant d'assurer la sécurité lors de leur utilisation dans le respect des préconisations d'emploi. Cependant, au regard des dangers présentés par ces produits, la question de leurs effets sanitaires, en particulier pour les travailleurs exposés professionnellement, constitue un sujet prioritaire pour l'Anses. Via sa Direction des produits réglementés, l'Agence est notamment chargée de l'évaluation, avant mise sur le marché, de l'efficacité et des risques des préparations phytopharmaceutiques. Sur la base de l'avis rendu par l'Agence, le ministère chargé de l'Agriculture autorise ou non ces produits.

Un besoin d'informations complémentaires vis-à-vis de l'efficacité des équipements de protection

Lors de l'évaluation des préparations phytopharmaceutiques, la réglementation (1) prévoit notamment une évaluation des risques pour les utilisateurs (applicateurs, travailleurs agricoles…). Dans ce cadre, l'exposition des travailleurs agricoles est estimée en première approche et en fonction de la pratique agricole à l'aide de modèles (2)qui permettent d'estimer l'exposition de l'applicateur avec ou sans port de protection (gants et\ou vêtement de protection et\ou masque…). Ces modèles ont été élaborés à partir de données expérimentales issues d'études d'exposition en conditions réelles, jugées représentatives de la pratique.

Pour certaines préparations phytopharmaceutiques, le risque pour l'opérateur n'est acceptable, au sens de la réglementation en vigueur, qu'avec port de gants et vêtement de protection pendant certaines phases, telles que la préparation de la bouillie et\ou l'application.
Dans un tel cas, l'avis favorable de l'Agence vis-à-vis d'une préparation phytopharmaceutique est conditionné par le port d'un équipement de protection individuelle (EPI). L'Agence le signale alors expressément au gestionnaire du risque et indique, dans l'avis rendu public, le niveau de performance attendu de l'équipement, en termes de facteur d'abattement (ou facteur de protection) du niveau d'exposition au produit que l'EPI doit garantir. Cependant, les données expérimentales sur lesquelles sont fondés les modèles d'exposition ne permettent pas toujours d'associer avec certitude la protection nécessaire, à un type d'équipement de protection disponible sur le marché.

Pour permettre au gestionnaire du risque, dans le cadre de la décision d'autorisation de mise sur le marché, de préciser aux futurs utilisateurs du produit le type d'équipements de protection individuelle à recommander, il est nécessaire que l'Anses puisse apporter des éléments plus précis sur les types d'EPI répondant aux objectifs de protection requis. Pour ce faire, l'Agence a besoin de recueillir auprès du pétitionnaire des éléments d'informations complémentaires sur les EPI. A cette même fin, l'Agence s'est autosaisie en 2011 afin d'inventorier les EPI disponibles sur le marché français et évaluer leur performance selon un test normalisé.

Une recommandation pour compléter la règlementation en vigueur

Dans ce contexte, l'Anses a été saisie par la Direction générale de l'alimentation (DGAl) le 13 septembre 2012 d'une demande d'informations complémentaires suite aux avis délivrés par l'Agence concernant les caractéristiques des EPI.

En réponse à cette saisine, l'Anses recommande aux autorités, dans un avis publié ce jour, d'intégrer dans la réglementation (3) l'exigence pour le pétitionnaire de fournir des résultats de tests sur des EPI, disponibles sur le marché, réalisés avec le produit phytopharmaceutique dont le dossier est soumis pour autorisation. De tels tests permettraient d'attester, sur la base d'essais normalisés, l'atteinte des objectifs de performance requis pour les équipements de protection pour le produit en question.

Dans ce contexte, l'Anses recommande qu'une norme harmonisée adaptée aux travailleurs agricoles exposés aux pesticides soit adoptée le plus rapidement possible dans le cadre de la directive européenne EPI de façon à faciliter la mise à disposition d'Equipements de Protection Individuelle certifiés avec le marquage CE.

Pour en savoir plus

>  Avis du 29 octobre 2012 (PDF) relatif à une demande d’informations complémentaires aux avis délivrés par l’Anses concernant les caractéristiques des EPI (Equipement de Protection Individuelle)

Anses et évaluation de l'impact des produits phytosanitaires sur les travailleurs agricoles
Dès sa création, l'Anses a souhaité s'autosaisir sur la question des impacts réels pour les travailleurs agricoles des expositions aux pesticides à travers deux problématiques : celle de l'évaluation des risques pour les travailleurs a posteriori, en vue de proposer des actions ciblées et proportionnées de réduction ou suppression des expositions et, en parallèle, celle des équipements de protection individuelle (EPI).

Concernant la première question, quatre grands objectifs sont définis :

  • caractériser les catégories de populations de travailleurs agricoles potentiellement exposées aux pesticides en lien avec les différents systèmes de production agricole influant sur les profils d'activités spécifiques et les expositions qui en résultent ;
  • identifier et décrire les situations professionnelles à l'origine des expositions directes ou indirectes (résidus de traitement dans les zones traitées) ;
  • rassembler et analyser les connaissances disponibles en matière de niveaux d'exposition pour ces situations ;
  • mettre en perspective les données d'exposition avec des données sanitaires.

En parallèle, une auto-saisine sur l'efficacité des vêtements de protection portés par les applicateurs de produits phytosanitaires a également été lancée. L'étude se déroule en 2 étapes :

  • une description des équipements disponibles sur le marché sera réalisée à l'aide d'une enquête auprès des distributeurs d'équipements et ceux disponibles sur internet ;
  • une description des pratiques des agriculteurs et des équipements de protection effectivement portés par ces derniers sur le terrain.

L'objectif est d'être en capacité de proposer des améliorations dans les recommandations de l'Agence relatives à la protection des agriculteurs, objectif qui est également un axe fort du plan Ecophyto. Ces différents travaux sont menés en partenariat étroit avec des structures comme la CCMSA (Caisse Centrale de la Mutualité Sociale Agricole), l'ANACT (Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail) et autres organismes du R31 (4).


(1) Règlement (CE) n°1107\2009
(2) tels le modèle allemand (BBA), le modèle britannique (UK-POEM) et EUROPOEM
(3) Règlement (CE) n°1107\2009 et au décret n° 2012-755 du 9 mai 2012
(4) Le R31 est un réseau de 31 organismes scientifiques animé par l'Anses afin qu'elle coordonne leurs travaux à des fins d'évaluation des risques sanitaires dans son champ de compétence.