Point sur nos travaux en santé travail
Aujourd’hui c’est la Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail, l’occasion de faire un point sur tous nos travaux dans ce domaine.
Entretien avec Henri Bastos, directeur scientifique santé travail.
Quels sont les risques liés au travail ?
Ces risques sont multiples et leurs effets sur la santé peuvent aussi bien relever de l’accident ponctuel que de la pathologie chronique qui s’installe progressivement avec le temps. Dans de nombreux secteurs, on observe des situations de poly-exposition qui rendent complexes l’évaluation des risques et la mise en place d’actions de prévention adaptées. Ces expositions dépendent également de l’activité de travail. C’est pourquoi il est important de bien connaître l’activité réelle des travailleurs et leurs conditions de réalisation afin d’être en mesure de caractériser le plus finement possible l’ensemble de leurs expositions.
Quelle est la mission de l’Anses sur ce volet santé travail ?
Nos travaux permettent aux entreprises, aux acteurs de la prévention et aux autorités de mieux protéger les travailleurs, en anticipant en particulier les risques émergents. Nous jouons un rôle de vigie et d’aiguillon pour acquérir des données sur les dangers et les expositions, avec l’aide notamment de la veille continue du Réseau national de vigilance et de prévention des maladies professionnelles, le RNV3P. Nous finançons également la recherche et, au fil du temps, le Programme national de recherche environnement santé travail a permis une meilleure structuration d’équipes scientifiques sur la thématique de la santé au travail.
Notre mission consiste également à réaliser des évaluations scientifiques des risques utiles à l’élaboration de la réglementation nationale et européenne (produits phytopharmaceutiques, biocides, médicaments vétérinaires, produits antiparasitaires, REACH, CLP) et à l’élaboration des valeurs limites d’exposition professionnelles (VLEP) permettant une meilleure protection de la santé des travailleurs utilisant différents produits chimiques.
L’Anses est aussi chargée, depuis 2019, de l’expertise scientifique préalable à la création ou l’évolution des tableaux de maladies professionnelles ou l’élaboration de recommandations aux Comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles. Nos premiers travaux ont porté sur l’étude du lien entre les expositions aux pesticides, et notamment la chlordécone, et le cancer de la prostate. Ces travaux viennent d’être transmis aux ministères compétents et récemment restitués devant les commissions de maladies professionnelles (CS4 et Cosmap ).
Sur quels risques professionnels travaillez-vous ?
L’Agence répond aux demandes des ministères, des organisations syndicales ou patronales qui font partie de son conseil d’administration. Elle peut aussi s’autosaisir lorsqu’elle identifie une situation potentiellement à risque qu’elle juge nécessaire d’investiguer. Nous nous intéressons à tous les types de risques professionnels en lien avec les différentes activités de travail et quel que soit le statut des travailleurs : agents publiques, salariés du privé, indépendants, etc.
Nous évaluons ainsi les expositions professionnelles à des agents chimiques comme l’éthanol, le formaldéhyde, le dioxyde de titane ou encore la silice cristalline auxquels sont exposés nombre de travailleurs dans de multiples secteurs. Nos travaux portent aussi sur les risques liés à des agents physiques comme les champs électromagnétiques ou le bruit. De plus, nous avons expertisé des risques liés à des modes d’organisation particuliers de l’activité de travail, comme le travail de nuit.
Au sujet de la question de la poly-exposition, nous nous intéressons de plus en plus aux effets combinés sur la santé des différentes expositions. C’est pourquoi nous privilégions l’approche par métiers ou secteurs d’activité pour une meilleure prise en compte de la diversité des expositions et des conséquences de l’activité de travail sur celles-ci. Ce type d’approche présente cependant un certain nombre de difficultés et d’enjeux sur le plan scientifique et méthodologique. Parmi nos récentes expertises sur ce sujet figurent par exemple les risques sanitaires encourus par les sapeurs-pompiers, les égoutiers ou les travailleurs de la filière du recyclage et de la gestion des déchets.
Au-delà des questions de polyexposition, n’oublions pas nos travaux pionniers concernant la question déterminante de notre époque qu’est le changement climatique et ses conséquences sur la santé des travailleurs.
Quels sont vos travaux en cours ?
Nous allons publier prochainement notre expertise sur les travaux exposant aux cytostatiques, c’est-à-dire les produits utilisés dans le traitement des cancers auxquels sont exposées notamment les infirmières. Nous allons également lancer plusieurs expertises d’envergure en santé au travail comme l’analyse des conditions de travail des agents du nettoyage et de la propreté, la deuxième phase de l’expertise des risques sanitaires pour les travailleurs du recyclage des déchets en nous intéressant notamment à la filière des emballages et déchets ménagers, les risques liés à la pollution de l’air pour les travailleurs en bordure de voies de réseau routier ou encore les professionnels concernés par des horaires atypiques de travail, liés notamment aux nouvelles organisations de travail. Et c’est sans compter nos activités réglementaires et missions pérennes comme la définition de VLEP, les expertises des maladies professionnelles, ou nos travaux dans le cadre des règlements REACh et CLP.