Plusieurs substances chimiques suspectées d’être perturbateurs endocriniens expertisées par l’Anses
Dans le cadre de la Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE), l’Anses a publié les résultats d’évaluation de cinq substances chimiques suspectées d’être perturbatrices endocriniennes. Ont également été publiés les derniers travaux relatifs à l’évaluation des risques sanitaires liés à l’exposition à des substances reprotoxiques de catégorie 2 et/ou perturbateurs endocriniens présentes dans des produits de consommation. Ces trois rapports sont relatifs à l’état des connaissances sur les usages, les sources d’exposition et la toxicité de plusieurs substances de la famille des polybromés. L’Agence poursuit actuellement ses travaux par l’évaluation des cinq substances inscrites à son programme de travail 2017 dans le cadre de la SNPE.
De nombreuses substances chimiques peuvent modifier le fonctionnement du système hormonal et certaines substances sont suspectées d’entraîner des effets néfastes pour la santé humaine et l’environnement par ce mode d’action. Face à ce défi, l’Anses se mobilise depuis de nombreuses années et poursuit ses travaux d’expertise sur ce thème.
Cinq substances expertisées en 2016 dans le cadre de la SNPE
Le Plan national santé environnement 2015-2019 (PNSE3) se donne pour ambition de contribuer à la mise œuvre de la SNPE et a confié à l’Anses la charge « d’évaluer de manière plus précise et ciblée, le danger et l’exposition des populations et de l’environnement à certaines substances perturbateurs endocriniens pour mieux les gérer ». Dans ce cadre, l’Anses s’est vue confier l’expertise d’au moins cinq substances par an. L’Anses a rendu public l’avis relatif à l’évaluation des cinq substances inscrites à son programme de travail 2016 : TMBPF (4,4’-méthylènedi-2,6-xylénol), triclocarban, RDP (tétraphényl m-phénylène bis(phosphate), dicyclopentadiène et sulfate d’étain.
Ainsi, le TMBPF, le triclocarban et le RDP ont fait l’objet d’une analyse des meilleures options de gestion des risques[1], suivant la procédure utilisée par l’Agence européenne des substances chimiques (ECHA) et les Etats membres de l’Union européenne dans le cadre du règlement REACh[2] .
Le dicyclopentadiène et le sulfate d’étain ont fait l’objet d’une évaluation au titre du règlement REACh[3] en raison, respectivement, d’une suspicion d’effet reprotoxique et d’une suspicion de propriétés cancérogène mutagène reprotoxique (CMR) et d’effet sensibilisant.
Dans le cadre de la SNPE, cinq autres substances font actuellement l’objet de travaux d’expertise inscrits au programme de travail 2017 de l’Agence : l’homosalate, le triflusulfuron méthyl, le triphényl phosphate, le bisphénol B et le BDE-47.
Usages, sources d’exposition et toxicité de substances de la famille des polybromés
L’Anses a été saisie en 2009 par la Direction générale de la santé afin d’identifier et de caractériser des situations d’exposition potentiellement à risque pour la santé, notamment des populations les plus vulnérables, liées à l’utilisation de produits de consommation courante et d’articles contenant certaines substances chimiques.
Trois rapports relatifs à l’état des connaissances sur les usages, les sources d’exposition et la toxicité de plusieurs substances de la famille des polybromés, couramment utilisés comme retardateurs de flamme dans la fabrication de meubles et matériels électroniques ont été publiés. L’objectif était de caractériser les principaux effets toxiques en lien avec une exposition à ces composés et de déterminer les sources majeures d’exposition humaine.
Au terme de cette analyse, certains composés bromés tels que les BDE 28, 47, 99, 100, 153, 154, 183 et 209, le tétrabromobisphénol A (TBBPA), l’hexabromocyclododécane (HBCDD) ont été considérés comme pouvant justifier une évaluation dans le cadre du règlement REACh. Le BDE-47 a quant à lui été retenu en vue d’une évaluation de son potentiel perturbateur endocrinien pour l’Homme et pour l’environnement, au titre du programme de travail de l’Agence en 2017, dans le cadre de la SNPE. Les travaux d’expertise sur cette substance sont en cours.
Ces trois rapports constituent le dernier jalon des travaux d’expertise qui ont été conduits et publiés par l’Agence, à la demande du ministère chargé de la santé en 2009, sur une trentaine de substances chimiques reprotoxiques de catégorie 2 et/ou perturbateurs endocriniens présentes dans des produits de consommation. Ces publications ont porté notamment sur le bisphénol A et d’autres bisphénols, les phtalates, les composés perfluorés.
Le bisphénol A reconnu pour ses propriétés de perturbation endocrinienne par l’ECHA
Rappelons par ailleurs que l’Anses a soumis en février 2017 auprès de l’ECHA une proposition de classement du bisphénol A comme substance extrêmement préoccupante (SVHC-substance of very high concern) dans le cadre du règlement européen REACh, au titre de ses propriétés « perturbateur endocrinien » pour la santé humaine. Cette proposition a été adoptée par le comité des Etats membres de l’ECHA au mois de juin 2017. L’inscription du bisphénol A sur la liste des substances extrêmement préoccupantes ouvre la possibilité d’en limiter l’usage, en conditionnant son utilisation à l’octroi d’une autorisation temporaire et renouvelable.
[1] Une analyse de la meilleure option de gestion du risque (RMOA pour Risk Management Option Analysis) est un outil d’aide à l’orientation pour la gestion d’un ou plusieurs risque(s) lié(s) à l’utilisation d’une substance : il justifie la pertinence - ou non - de proposer une mesure de gestion des risques (ou une combinaison de mesures). Telle qu’elle a été initialement conçue, une analyse RMO est une étape informelle, préalable à celle de la proposition formelle d’une mesure de gestion de risque (par exemple à travers la réalisation d’un dossier annexe XV de restriction ou d’identification SVHC pour les substances très préoccupantes). La conduite d’une telle analyse n'est pas une étape prévue par le règlement REACh, elle reste une action volontaire des Etats membres ou de l’ECHA. C’est également le format retenu par l’Anses pour analyser les substances inscrites à la SNPE, pour lesquelles une suspicion de danger existe.
[2] Le règlement REACh n°1907/2006/CE concerne l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques (Registration, Evaluation and Autorisation of CHemicals). Il se base sur l'obligation des producteurs et importateurs de substances chimiques de fournir des données en fonction du tonnage de la substance qui a pour effet de renverser la charge de la preuve des autorités publiques vers l’industrie. En d’autres termes, il revient à l’industriel de démontrer que l’utilisation de sa substance peut se faire sans risques pour la santé humaine ou pour l’environnement.
[3] REACh prévoit une évaluation approfondie des substances pour lesquelles il existe un doute ou une préoccupation, dans le but de lever ou de confirmer ce doute, en permettant, le cas échéant, de demander des informations supplémentaires à l’industriel déclarant. Les évaluations sont alors menées sur une base volontaire par les Etats membres et peuvent conduire, en fonction des conclusions, à des demandes d’informations et/ou études supplémentaires. Si l’Etat membre évaluateur considère que les mesures de gestion des risques proposées dans le rapport sur la sécurité chimique ne permettent pas d’assurer la protection des personnes et de l’environnement, il peut proposer des mesures de gestion des risques supplémentaires à celles proposées par les industriels déclarants.