Pinnatoxines : des biotoxines marines émergentes à surveiller dans les coquillages
L’Anses publie ce jour une expertise sur les pinnatoxines, une famille de biotoxines marines émergentes, détectées dans des moules de lagunes méditerranéennes. Ces biotoxines marines provoquent chez la souris des effets neurotoxiques aigus en cas d’ingestion. Les données de consommations disponibles ont permis d’estimer l’exposition des consommateurs de coquillages selon divers scenarii. L’Anses attire l’attention des pouvoirs publics sur la possibilité d’un risque sanitaire en cas de consommation de coquillages contaminés par les pinnatoxines provenant des lagunes méditerranéennes, en particulier de la zone d’Ingril dans l’Hérault. Elle recommande par ailleurs de prendre en compte ces biotoxines émergentes dans la surveillance des zones de production de coquillages. Ces travaux constituent une avancée scientifique majeure dans le domaine des toxines émergentes.
Au regard de l’émergence en France d’une famille de biotoxines marines appelées pinnatoxines, l’Anses a été saisie par les ministères chargés de l’agriculture et de la santé afin de faire le point sur l’état des connaissances liées à ce groupe de toxines.
De nouvelles biotoxines marines émergentes détectées dans les coquillages en France
Les pinnatoxines (PnTX) sont des toxines produites par des micro-algues marines, appelées Vulcanodinium rugosum, qui peuvent s’accumuler dans les coquillages. Ces biotoxines marines ont été identifiées pour la première fois en France, en 2011, dans des moules de la lagune d’Ingril dans l’Hérault. Depuis cette date, des analyses réalisées dans les moules de cette lagune ont montré des concentrations élevées de PnTX chaque année durant plusieurs mois.
Les pinnatoxines ont également été détectées, dans une moindre mesure, dans d’autres régions en France, notamment dans des moules provenant d’autres lagunes méditerranéennes (Vic, le Prévost, Thau, Leucate) et sur les côtes atlantique et corse. A l’étranger, des données de contamination de coquillages par les PnTX ont aussi été rapportées au Canada, en Australie, en Nouvelle-Zélande et dans d’autres pays européens, du nord et du sud de l’Europe.
Éviter la consommation de coquillages issus de la zone d’Ingril dans l’Hérault
L’expertise de l’Anses a permis de mieux caractériser les effets neurotoxiques induits par cette famille de biotoxines marines. Les études expérimentales menées chez la souris ont montré des effets toxiques aigus pouvant conduire au décès en cas d’ingestion à forte dose. Chez l’Homme, aucun cas d’intoxication lié aux pinnatoxines n’a été rapporté à ce jour en France ni ailleurs dans le monde.
A partir de ces données de toxicité, l’Anses a identifié une valeur repère aiguë provisoire pour la pinnatoxine G, une des 8 toxines de la famille des pinnatoxines, majoritairement détectée dans des coquillages en France. Sur la base de cette valeur sanitaire et des données de consommation disponibles, l’Agence a pu caractériser le risque pour le consommateur. Les résultats montrent que, dans les cas de forte consommation et/ou de forte contamination de coquillages, la valeur repère peut être dépassée.
L’Anses conclut ainsi à la possibilité d’un risque sanitaire lié à la consommation de coquillages contaminés par les pinnatoxines provenant des lagunes méditerranéennes et en particulier de la zone d’Ingril. Aujourd’hui, il n’y a pas de production conchylicole destinée à la commercialisation issue de cette zone. Néanmoins, l’Agence attire l’attention des pouvoirs publics sur la nécessité d’éviter toute consommation de coquillages provenant de cette zone.
Mettre en place la surveillance des pinnatoxines
Au vu de ces résultats, l’Anses préconise de prendre en compte ces toxines dans le cadre de la surveillance des zones de production de coquillages. Elle recommande en particulier :
- de mettre en place une surveillance régulière de l’espèce V. rugosum et des concentrations de pinnatoxines dans les coquillages produits à Ingril et Thau ;
- d’établir une cartographie de l’implantation de l’espèce V. rugosum de toutes les zones conchylicoles des côtes métropolitaines en vue d’une surveillance en particulier dans les lagunes méditerranéennes.
Elle recommande également d’engager des travaux de recherche afin d’estimer plus précisément l’exposition des consommateurs de coquillages.
Enfin, l’Anses poursuit son action dans le cadre de ses missions de veille sanitaire afin de sensibiliser les professionnels de santé sur les potentiels symptômes neurologiques qui pourraient être associés à une intoxication aux pinnatoxines chez l’Homme.