L'Anses recommande une meilleure prise en compte de l'ensemble des effets sanitaires du bruit
Si les effets néfastes de niveaux élevés de bruit sur l’appareil auditif sont bien connus, il existe d’autres effets sanitaires du bruit, dits « extra-auditifs », qui peuvent apparaître à des niveaux d’exposition plus faibles, observés par exemple à proximité d’infrastructures de transport ou industrielles. Saisie par les ministères chargés de l’Environnement et de la Santé, l’Agence propose, dans un avis publié ce jour, une méthode d’évaluation des impacts sanitaires extra-auditifs du bruit. Cette méthode est destinée à être utilisée au niveau local pour améliorer la prise en compte des effets extra auditifs du bruit environnemental dans le cadre de l’instruction des projets d’aménagement de ces infrastructures.
Le bruit est défini comme un « son ou ensemble de sons qui se produit en dehors de toute harmonie régulière». Chaque personne possède sa propre perception du bruit qui dépend de composantes multiples. La nuisance sonore dépend des caractéristiques des sons émis, comme de celles de la personne qui les reçoit : fréquence du bruit, pureté, intensité, soudaineté, durée, vulnérabilité individuelle ou encore association avec d’autres expositions à risque (agents chimiques ou médicamenteux).
Les effets néfastes de niveaux élevés d’exposition au bruit sur l’appareil auditif sont bien connus. Ils sont le plus souvent observés en milieu de travail ou sont liés à des comportements à risque, tels que l’écoute de musique amplifiée sans protection. Il existe par ailleurs, d’autres effets sanitaires du bruit, dits « extra-auditifs » qui peuvent apparaître à des niveaux d’exposition plus faibles, observés par exemple à proximité d’infrastructures de transport ou industrielles.
Les impacts sanitaires du bruit environnemental constituent une source de préoccupation croissante dans la population. Le bruit figure ainsi parmi les nuisances environnementales les plus souvent citées par la population. Par ailleurs, de plus en plus d’études mettent en évidence des effets néfastes du bruit pour la santé, notamment des effets extra-auditifs. Enfin, les critères actuellement retenus par la réglementation pour décrire l’exposition sonore sont peu adaptés aux évènements sonores ponctuels, lorsqu’il s’agit d’évaluer l’impact sanitaire en lien avec des effets extra auditifs dans le cadre des projets d’infrastructures de transports et industrielles
Le travail de l’Anses
Dans ce contexte, l’Anses a été saisie par les ministères chargés de l’Environnement et de la Santé afin de proposer des indicateurs permettant une meilleure prise en compte des impacts sanitaires liés aux évènements ponctuels de bruit. Cette demande portait spécifiquement sur la quantification des impacts sanitaires extra-auditifs dans les études d’impacts sanitaires des projets d’infrastructures de transports et industriels. En réponse, l’Agence propose, dans un avis publié ce jour, une méthode d’évaluation des impacts sanitaires extra-auditifs du bruit.
Pour mener à bien ce travail, l’Agence a mis en place un groupe de travail pluridisciplinaire (acousticiens, épidémiologistes, chronobiologistes, spécialistes des sciences humaines et sociales,…), sous l’égide du comité d’experts spécialisés agents physiques.
S’appuyant sur une revue des connaissances, le groupe de travail a mis en évidence divers effets extra-auditifs. Le principal d’entre eux est la perturbation du sommeil. Un sommeil raccourci ou de moindre qualité peut avoir des répercussions sur la santé et les performances cognitives le jour suivant : performance, apprentissage, attention sont réduits. Les autres effets extra-auditifs peuvent résulter d’une exposition directe au bruit ou être liés aux conséquences des perturbations du sommeil : réponse cardio-vasculaire (risque accru d’hypertension artérielle, troubles ischémiques chez l’adulte). L’importance de ces effets dépend du niveau et de la durée de l’exposition au bruit, et de la sensibilité individuelle des personnes exposées. Il existe en effet, une grande variabilité des effets entre les individus exposés aux mêmes niveaux de bruit environnemental. De nombreuses études montrent par ailleurs qu’il est difficile de fixer un niveau précis où commence l’inconfort et soulignent le caractère variable du lien entre les indicateurs de gêne et l’intensité physique du son. En dehors de la gêne, d’autres effets psychosociologiques et comportementaux sont décrits : effets sur les attitudes et le comportement social, sur les performances et l’automédication. Le bruit des transports entraîne des effets socio-économiques sur les territoires, déqualification territoriale, modification des choix de résidence, distribution spatiale non équitable des nuisances pesant fortement sur les bas revenus.
En outre, les experts ont souligné notamment que :
- la gêne chronique liée au bruit, facteur de stress continu, influe sur la survenue d’effets néfastes pour la santé à long terme ;
- les mécanismes d’action du bruit, notamment s’agissant des effets extra-auditifs à long terme associés à une exposition prolongée au bruit, ne sont pas clairement expliqués ;
- les relations dose-effet sont peu documentées et reposent essentiellement sur des déterminants acoustiques (indices énergétiques moyens) peu adaptés aux évènements de bruit ponctuel. La robustesse de ces courbes dose-réponse reste donc encore discutée.
Les experts ont ainsi mis en évidence la complexité des interactions entre divers paramètres : physiques, physiologiques, cognitifs et socio-économiques impliqués dans les relations bruit-santé, considérant par ailleurs qu’il n’est pas possible, en l’état des connaissances, de déterminer des indicateurs qui puissent répondre de manière satisfaisante à la problématique posée par les auteurs de la saisine.
Aussi, en accord avec les ministères à l’origine de la demande, les objectifs de l’expertise ont été réorientés vers la construction d’une méthode d’évaluation des impacts sanitaires extra-auditifs.
Sur la base de l’expertise, l’Anses propose ainsi une méthode d’évaluation des impacts sanitaires des effets extra-auditifs du bruit environnemental. Quatre effets sont retenus, parmi lesquels des effets à court terme (perturbations du sommeil, gêne liée au bruit) et des effets à moyen ou long terme (troubles de l'apprentissage scolaire) et des effets cardio-vasculaires (infarctus du myocarde). Cette méthode est destinée à être mise en œuvre au niveau local dans le but de documenter les situations d’exposition à des bruits environnementaux, avant et après la réalisation de projets d’aménagements d’infrastructures. Elle est destinée à être intégrée dans un processus de médiation/concertation dans le cadre de l’instruction des projets d’aménagement d’infrastructures ferroviaires, routières ou industrielles.
L’Agence se propose d’accompagner la mise en œuvre de cette méthode dans le cadre de projets pilotes.
L’Agence recommande, de plus, que les populations les plus exposées à des déterminants non-acoustiques identifiés comme facteurs aggravant des effets sanitaires du bruit (par exemple la pollution de l’air extérieur, etc.) fassent l’objet d’études d’impact sanitaire approfondies. Elle souligne également la pertinence d’une évolution de la réglementation pour prendre en compte ces facteurs de risque.
Considérant les lacunes actuelles dans les connaissances scientifiques, l’Anses recommande de mobiliser des efforts de recherche interdisciplinaires sur :
- les mécanismes d’action du bruit pour les effets à long terme ;
- les caractéristiques pertinentes du risque (temps de latence, de niveaux de risque, durées, périodes d’exposition et relations exposition-effet).
Considérant également la nécessité de rationaliser les efforts de recherche, l’Anses propose la mise en place d’une structure permettant de répertorier et de centraliser, au niveau national, l’ensemble des publications concernant la problématique des risques sanitaires liés au bruit.