L'Anses fait le point sur l'exposition alimentaire de la population antillaise aux résidus de pesticides
Du fait d'habitudes alimentaires spécifiques et des ravageurs auxquels doit faire face l'agriculture tropicale, la population antillaise pourrait être exposée à un risque particulier lié aux résidus de pesticides dans l'alimentation. L'Anses, dans le cadre du plan national d'actions "Chlordécone", a réalisé l'étude Sapotille afin d'évaluer ce risque. Ces travaux ont exclu le chlordécone qui a déjà fait l'objet de plusieurs études spécifiques. D'une façon générale, en dehors du chlordécone, les résultats de cette étude ne montrent pas de spécificité des Antilles en matière de niveaux de résidus de pesticides dans les aliments ni d'expositions des consommateurs. Ce travail constitue une première photographie de l'exposition de la population antillaise aux résidus de pesticides et une contribution à une meilleure traçabilité de la contamination des aliments par ces résidus. Il devra cependant être complété notamment par l'acquisition de données de consommation et de contamination plus nombreuses, et actualisées.
L'exposition de la population générale française aux résidus de pesticides est classiquement évaluée à partir de données de consommation et de contamination représentatives du territoire métropolitain. Cependant, du fait des habitudes alimentaires antillaises - large place accordée aux fruits et légumes tropicaux ainsi qu'aux produits de la pêche - et de ravageurs particuliers auxquels doit faire face l'agriculture tropicale, la population antillaise pourrait être exposée à un risque particulier lié aux résidus de pesticides dans l'alimentation.
Afin d'évaluer ce risque, l'Anses a proposé, dans le cadre du plan national d'actions "Chlordécone" 2008-2010, de mieux caractériser l'exposition alimentaire des consommateurs antillais aux résidus de pesticides. Les résultats de ce travail, mené dans le cadre de l'étude dite "Sapotille", sont publiés aujourd'hui. Ces travaux n'ont pas porté sur le chlordécone qui a déjà fait l'objet de plusieurs études spécifiques.
Le travail de l'Agence
Dans un premier temps, les substances à analyser en priorité, en termes de risques, ont été identifiées parmi l'ensemble des substances autorisées ou ayant été autorisées par la règlementation française et pouvant donc se retrouver dans les denrées (444 substances). Les substances prioritaires identifiées suite à cette phase de hiérarchisation (une cinquantaine) ont ensuite été recherchées dans 122 échantillons composites représentant 30 types de denrées locales. Au total, près de 8500 résultats d'analyse (couples matrices-substances) ont été obtenus au regard de 55 substances. Ces données de contamination ont été combinées aux données de consommation alimentaire provenant des études Escal (Martinique, 2004) et Calbas (Guadeloupe, 2005) afin d'estimer l'exposition de la population antillaise aux résidus de pesticides et de la comparer aux doses journalières admissibles (DJA). Afin de disposer d'un effectif de données suffisant, les données de contamination des plans de surveillance des Antilles et de la métropole ont également été utilisées.
Résultats
- Pour 22 substances, soit 40% des substances prioritaires analysées, l'évaluation des expositions des consommateurs reste toujours en deçà des DJA.
- Pour 14 substances, soit 25% des substances prioritaires analysées, le risque de dépassement de la DJA ne peut être exclu pour certaines populations. Parmi elles, 8 substances sont détectées dans des denrées d'origine locale et 7 présentent une probabilité de dépassement élevée de la DJA pour au moins une catégorie d'âge. Dans la plupart des cas, il s'agit des enfants entre 3 et 15 ans. Ces 7 substances sont : diazinon, diméthoate, dieldrine, endrine, oxydéméton-méthyl, parathion et phorate.
Seul l'usage du diméthoate demeure autorisé aujourd'hui. La dieldrine et l'endrine sont des polluants organiques persistants dans l'environnement largement utilisés dans le passé et interdits depuis une vingtaine d'années. Le diazinon, la dieldrine et le phorate ont été détectés dans des denrées d'origine locale (respectivement dans des échantillons de poulet et d'ananas pour le diazinon, d'eau pour la dieldrine et de poisson pour le phorate). Des utilisations passées récentes dans les Antilles ont pu être identifiées pour le diméthoate et le parathion.
- Enfin, pour 19 substances soit environ 35% des substances prioritaires analysées, l'état des connaissances scientifiques ne permet pas, aujourd'hui, de conclure formellement en termes d'évaluation de risque : des travaux complémentaires seront nécessaires pour améliorer les méthodes d'analyse et définir des seuils toxicologiques de référence.
Malgré des méthodologies différentes, l'étude Sapotille ne met pas en évidence de résultats significativement différents de ceux de la deuxième étude d'alimentation totale (EAT2) réalisée en métropole. D'une façon générale, en dehors du chlordécone, les résultats de cette étude ne montrent pas de spécificité des Antilles en matière de niveaux de résidus de pesticides dans les aliments ni d'expositions des consommateurs. Comme dans le cadre de L'EAT 2, l'Anses rappelle que les risques chimiques (comme les risques nutritionnels) peuvent être minimisés en évitant de consommer régulièrement un petit nombre d'aliments en grande quantité et donc l'importance d'une alimentation diversifiée et équilibrée en variant les aliments (fruits, légumes, produits laitiers, céréales, poissons, viandes).
Ce travail constitue une première étape, essentielle pour estimer l'exposition de la population antillaise aux résidus de pesticides. Il contribue à une meilleure traçabilité de la contamination des aliments par ces résidus. Afin de limiter les incertitudes, ces premiers résultats devraient être confortés et complétés par l'acquisition de données de consommation et de contamination plus nombreuses, actualisées et à l'aide d'outils plus précis (méthodes d'analyse notamment). Ces travaux devraient cibler prioritairement les substances dont l'usage est autorisé dans les Antilles ou qui ont été utilisées dans le passé et persistantes dans l'environnement ainsi que les matrices alimentaires les plus prioritaires. L'amélioration des performances analytiques, notamment en termes de sensibilité, devrait être une priorité afin de pouvoir caractériser de manière plus précise l'exposition alimentaire de la population antillaise aux résidus de pesticides.