Dioxyde de titane : point sur l’actualisation de l’évaluation de l’EFSA pour l’additif alimentaire E171
L’Anses prend note des conclusions de la réévaluation par l’EFSA du dioxyde de titane utilisé comme additif alimentaire (E171), qui confirment des préoccupations sanitaires soulevées par l’Agence dans ses expertises de 2017 et 2019. Elle prendra en compte les données de cette nouvelle évaluation dans ses travaux en cours sur l’évaluation des risques liées aux additifs et ingrédients alimentaires de taille nanométrique. En France, l’emploi de l’additif alimentaire E171 est suspendu depuis janvier 2020.
L’utilisation des additifs alimentaires s’inscrit dans un cadre réglementaire européen spécifique : les autorisations sont délivrées par la Commission européenne sur la base des évaluations scientifiques réalisées par l’EFSA, qui est l’autorité de référence pour l’Europe en matière d’évaluation des additifs alimentaires.
En 2016, lors de la réévaluation du E171, le panel d’experts de l’EFSA n’avait pas identifié de préoccupation en matière de génotoxicité et de cancérogénicité après administration par voie orale. A partir des données d’exposition et de la dose sans effets nocifs observés (NOAEL), ils avaient conclu que l’additif E171 ne soulevait pas de préoccupations pour la santé des consommateurs. Néanmoins, des données manquantes avaient été identifiées et le panel d’experts de l’EFSA avait recommandé la mise en place d’études sur la toxicité pour la reproduction afin de pouvoir établir une dose journalière admissible pour le E171.
En 2021, dans le cadre d’une mise à jour de l’évaluation du risque sur base de nouvelles données, l’EFSA estime que l’emploi du dioxyde de titane ne peux plus être considéré comme sûr en tant qu’additif alimentaire, notamment parce que des effets génotoxiques ne peuvent être exclus.
Cette mise à jour repose principalement sur des données issues de la littérature scientifique, d’un appel à données mis en place par la Commission européenne ainsi que des données générées par un consortium d’industriel. L’additif E171 comportant des particules de taille nanométrique, la réévaluation a été menée selon le guide que l’EFSA a établi en 2018 pour évaluer le risque des applications des nanosciences et nanotechnologies dans le domaine de l’alimentation humaine et animale.
Concernant la toxicité générale, les experts de l’EFSA ont constaté que le E171 est peu absorbé mais qu’il peut s’accumuler dans différents organes au cours du temps. Si les données relatives à la toxicité pour la reproduction et le développement ne montrent pas d’effets avec le E171 à la plus haute dose testée, d’autres données pourraient indiquer des effets toxiques en matière d’immunotoxicité et d’inflammation pour l’additif E 171 et un potentiel neurotoxique pour des formes nanoparticulaires du dioxyde de titane. Il n’existe pas à ce jour d’étude permettant d’évaluer correctement la cancérogénicité des nanoparticules de dioxyde de titane induite par voie orale.
Concernant les données de génotoxicité, les études ont montré que les particules de TiO2 ont le potentiel d’induire des cassures de l’ADN et des dommages chromosomiques. Ainsi, les préoccupations relatives aux effets génotoxiques des particules de dioxyde de titane présentes dans l’additif alimentaire E171 ne peuvent être exclues. La réévaluation de l’EFSA ne permet pas de conclure à une corrélation entre la génotoxicité et certaines propriétés physico-chimiques du dioxyde de titane telles que la taille, la morphologie ou encore la forme cristalline.
L’Anses rappelle qu’en 2017 puis en 2019, elle a interpelé à deux reprises sur le manque de données pour caractériser avec robustesse le danger, puis évaluer le risque, de l’additif E171.
En 2017, l’Anses avait produit un avis spécifique portant sur l’étude dite NANOGUT de l’Inra qui montre un lien possible entre l’exposition chronique de rats à l’additif E171 par voie orale et l’apparition de lésions pré-cancéreuses colorectales. Dans ses conclusions, l’Agence avait souligné que, si les résultats ne remettaient pas en cause la réévaluation de l’additif alimentaire conduite en 2016 par l’EFSA, il mettait toutefois en évidence des effets qui n’avaient pas été identifiés auparavant, notamment des effets promoteurs potentiels de la cancérogenèse. Par conséquent, l’Agence soulignait la nécessité de conduire des études pour mieux caractériser les effets sanitaires potentiels liés à l’ingestion de l’additif alimentaire E171.
Dans un avis publié en 2019, l’Agence s’est à nouveau penchée sur la potentielle toxicité par voie orale du E171 en examinant 25 études plus récentes. Aucune de ces études n’a permis de confirmer ou d’infirmer un potentiel effet promoteur de la cancérogénèse pour cet additif. Si certaines de ces études mettaient en lumière de nouveaux signaux tels que la modification de mécanismes biologiques cellulaires chez la souris ou des anomalies du développement chez des invertébrés, ou encore des effets génotoxiques in vitro de plusieurs formes de TiO2 nano-particulaires dont l’E171 via le stress oxydant, ces données n’étaient pas suffisantes pour statuer sur un effet toxique. Dans ces conclusions, l’Anses réitérait ces recommandations de mieux caractériser le danger éventuel du E171 via l’acquisition rapide de données complémentaires permettant de statuer sur les différents signaux observés.
Les conclusions de l’Anses de 2019 figurent parmi les éléments pris en compte par le gouvernement français pour décider de suspendre la mise sur le marché en France de denrées alimentaires contenant l’additif E171. La première suspension d’un an à compter du 1er janvier 2020 a été reconduite jusqu’au 1er janvier 2022, notamment dans l’attente des travaux à venir.
L’évaluation de l’EFSA prise en compte par l’Anses pour ces prochains travaux sur les formes nanométriques des additifs alimentaires en général.
En 2021, l’Anses poursuit ses travaux sur l’élaboration d’une méthodologie d’évaluation du risque adaptée aux nanomatériaux manufacturés. L’applicabilité de cette méthodologie sera testée sur des substances préalablement identifiées comme nanomatériaux manufacturés, parmi lesquelles l’Anses prévoit d’inclure le dioxyde de titane. Il s’agira avant tout d’éprouver la robustesse de la méthodologie, de mettre à jour les données toxicologiques et d’exposition et, au vu de la qualité de ces données, d’envisager éventuellement une évaluation des risques. La méthodologie développée par l’Anses relève d’un même effort pour améliorer l’évaluation et la protection des consommateurs contre les risques liés aux substances ajoutées aux aliments.
Un guide spécifique pour évaluer les risques sanitaires des nanomatériaux dans l’alimentation
Les nanomatériaux sont de plus en plus utilisés dans notre alimentation, notamment pour améliorer l’aspect d’un produit alimentaire, son conditionnement ou sa teneur nutritive. Toutefois, leurs impacts potentiels sur la santé soulèvent de nombreuses questions. L'Anses a publié en octobre 2021 un guide scientifique pour évaluer de manière spécifique les risques sanitaires associés aux nanomatériaux.