Antibiotiques à usage vétérinaire : une diminution des usages et des résistances aux antibiotiques se confirme, mais des efforts sont à poursuivre
L’antibiorésistance est un problème de santé publique majeur, en médecine humaine comme en médecine vétérinaire. En France, de nombreuses initiatives pour promouvoir un usage raisonné des antibiotiques ont été mises en place. L’Agence nationale du médicament vétérinaire (Anses-ANMV) a notamment initié, dès 1999, un suivi des ventes d’antimicrobiens vétérinaires. Aujourd’hui, dans le cadre de sa demi-journée dédiée à l’antibiorésistance en santé animale, l’Anses publie le rapport annuel de suivi des ventes d’antibiotiques vétérinaires en France en 2013 et le bilan 2013 du réseau d’épidémiosurveillance de l’antibiorésistance des bactéries pathogènes animales (Résapath) animé par ses laboratoires de Lyon et de Ploufragan. Pour la première fois, le niveau d’exposition aux antibiotiques est inférieur à celui de 1999. En parallèle, une diminution de la résistance aux antibiotiques critiques dans la plupart des filières animales est à souligner. Toutefois, les efforts sont à poursuivre et il convient notamment de surveiller avec attention les augmentations du recours aux antibiotiques critiques observées chez certaines espèces animales, notamment les carnivores domestiques, chiens et chats. Il apparaît également nécessaire de disposer de données plus précises sur l’utilisation des antibiotiques par espèce et catégorie d’animaux.
Suivi des ventes d’antibiotiques en 2013 : le niveau d’exposition le plus bas depuis 1999
En 2013, le volume total des ventes d'antibiotiques s'élève à 699 tonnes. Toutes espèces animales confondues, le niveau d’exposition des animaux aux antibiotiques est pour la première fois inférieur à celui de 1999, année de lancement du plan de surveillance (- 5,5 %). L’exposition globale en 2013 a par ailleurs diminué de 7,3 % par rapport à l’année 2012, et de 15,7 % sur les cinq dernières années.
Cette évolution globale doit être nuancée en fonction des espèces de destination et des familles de molécules. Ainsi, entre 2012 et 2013, l’exposition aux antibiotiques a diminué de 6,6 % pour les bovins, de 5,4 % pour les volailles, de 4 % pour les porcs et de 1,7 % pour les carnivores domestiques. En revanche, elle a augmenté de 3,6 % pour les lapins.
Sur les cinq dernières années, l’exposition par voie orale a diminué de 24,3 % alors qu’une augmentation de 9,4 % est observée pour la voie injectable. Cette diminution de l’exposition par voie orale est principalement liée à une diminution de l’utilisation de prémélanges médicamenteux (- 45,9 % sur 5 ans et - 15,4 % en 2013 par rapport à l’année 2012). Ces variations traduisent vraisemblablement une diminution de l’utilisation des antibiotiques en prévention.
L’exposition des animaux aux antibiotiques critiques (céphalosporines de 3ème et 4ème générations et fluoroquinolones) s’est stabilisée depuis quelques années. En 2013, toutes espèces animales confondues, on observe une baisse importante de l’utilisation des céphalosporines (- 9,8 % par rapport à 2012) et une baisse plus faible des fluoroquinolones (- 1,5 %). Il convient néanmoins de surveiller avec attention les augmentations observées chez certaines espèces animales, en particulier chez les carnivores domestiques, chiens et chats notamment, pour lesquels l’exposition aux céphalosporines a augmenté de 25% entre 2012 et 2013 et celle aux fluoroquinolones de 12,2 %.
Par ailleurs, les diminutions observées sont plus importantes dans les filières animales ayant mis en place des actions spécifiques. Ainsi, suite à l’initiative de la filière porcine de restriction volontaire de l’utilisation des céphalosporines de dernières générations, l’exposition des porcs à cette famille a diminué de 66 % entre 2010 et 2013.
Il convient de rappeler que l’Anses, dans son avis publié en juin dernier sur les risques d’émergence d’antibiorésistance liés aux modes d’utilisation des antibiotiques, renouvelle sa recommandation de réserver l’usage des céphalosporines de dernières générations et des fluoroquinolones en dernier recours, pour des situations particulières qui doivent être identifiées par filière et strictement encadrées.
Antibiorésistance : l’évolution globale des taux de résistance en diminution depuis 2006
En collectant les données d’antibiogrammes des bactéries pathogènes d’origine animale isolées chez des animaux malades, le réseau Résapath permet de suivre les tendances d'évolution de la résistance aux antibiotiques chez les bactéries pathogènes des animaux, de détecter certaines émergences et d'en caractériser les mécanismes moléculaires.
Le périmètre du réseau a encore augmenté en 2013 (progression ininterrompue depuis 2005). Ainsi, 67 laboratoires y adhérent aujourd’hui (64 en 2012). Il a collecté 33 428 antibiogrammes (31 211 en 2012) grâce à une couverture accrue des animaux de compagnie.
Des diminutions de la résistance aux antibiotiques critiques (céphalosporines de 3ème et 4ème générations et fluoroquinolones) sont encore à souligner cette année. Cette tendance n’est pas la même dans toutes les filières, ni pour tous les antibiotiques, mais des résultats positifs majeurs ont néanmoins été obtenus.
Enfin, la multirésistance est considérée comme la résistance à au moins trois familles d’antibiotiques. Elle est fréquente en ce qui concerne E. coli, plus particulièrement chez les bovins (23,4 %), les porcs (16,9 %), les chevaux et les chiens (tous deux à 10,5 %). Le phénomène est en revanche moins marqué chez les poules et poulets (6,2 %) et chez les dindes (3,4 %).
De nouveaux objectifs et des initiatives en cours pour obtenir des données plus précises
Au vu de ces différents bilans, l’Agence estime nécessaire de disposer de données plus précises sur l’utilisation des antibiotiques par espèce et catégorie d’animaux, une nécessité rappelée régulièrement au niveau européen. En ce sens, dans son évaluation des risques d’émergence d’antibiorésistance liés aux modes d’utilisation des antibiotiques publiée au mois de juin, elle recommande la mise en place d’outils de suivi pérennes des pratiques au plus près de l’administration des antibiotiques dans les élevages. Par ailleurs, des initiatives sont en cours, pour mieux estimer l’exposition aux antibiotiques par catégorie d’animaux et stade physiologique Les mesures du plan national de réduction des risques d’antibiorésistance en médecine vétérinaire, qui prévoient des enquêtes par filière, permettront dans un futur proche de disposer d’éléments de réponse pour mieux documenter l’utilisation réelle dans les filières. Dès cette année, des résultats ont été obtenus dans les filières bovines et piscicoles et ont été observés au cours de la journée..
La diminution de l’exposition aux antibiotiques observée ces dernières années, globalement et par espèce, semble confirmer l’impact positif des différentes actions menées en matière d’usage raisonné des antibiotiques. En deux ans, la réduction observée est de 12,7 %, elle est donc pour l’instant en ligne avec l’objectif du plan Ecoantibio 2017 de réduire de 25% en cinq ans, même si des efforts restent à consentir pour atteindre cet objectif ambitieux.