Aspartame

Édulcorants alimentaires : l'Anses analyse les résultats de deux études récentes

L'aspartame est un édulcorant intense autorisé en Europe depuis 1994 par la directive 94/35/CE(1) après évaluation par le Comité scientifique de l'alimentation humaine de la Commission européenne (CSAH) en 1985. Ce comité a établi une dose journalière admissible (DJA) de 40 mg/kg poids corporel(2). Le CSAH a réévalué l'aspartame en 1989, 1997 et 2002 et plus récemment l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) en 2006.

L'aspartame est également autorisé aux Etats-Unis en tant qu'édulcorant après évaluation par la US Food and Drug Administration (FDA) en 1974. La FDA a réévalué l'aspartame en 1981, 1983, 1998 et plus récemment en 2007.

Le Joint FAO/WHO Expert Committee on Food Additives (JECFA) a également évalué l'aspartame à plusieurs reprises depuis les années 1980 et, comme le CSAH, a établi une DJA de 40 mg/ kg poids corporel.

En 1995 une étude évoquait une possible relation entre l'augmentation de la fréquence de tumeurs du cerveau et la consommation d'aspartame(3). Cette étude a été critiquée par de nombreux scientifiques sur le plan méthodologique. Le CSAH se prononçait une première fois sur les résultats de cette étude en 1997. En 2002 (4), en s'appuyant notamment sur les travaux de l'Afssa et de la Food Standard Agency anglaise (FSA), le CSAH considérait que les données scientifiques n'apportaient pas de preuve d'un lien entre aspartame et tumeurs du cerveau ; la dose journalière admissible de l'aspartame était en conséquence maintenue.

En effet, l'Afssa avait conclu dans sa contribution de 2002, après évaluation d'environ 80 publications scientifiques référencées, que l'ensemble des données scientifiques ne permettaient pas de soutenir le fondement de l'hypothèse avancée par la publication de Olney et collaborateurs (5).

En 2005 et 2006, l'European Foundation of Oncology and Environmental Sciences « B Ramazzini » à Bologne, publiait les résultats d'une étude chez le rat dont les conclusions évoquaient une augmentation de l'incidence des lymphomes, leucémies et autres types de cancer chez les animaux exposés à l'aspartame(6)(7). L'EFSA, saisie par la Commission européenne, demandait les données brutes à l'Institut B. Ramazzini afin de pouvoir les examiner (8). Ces données ont été analysées par l'EFSA (9).

L'EFSA a estimé qu'il n'y avait aucun élément justifiant de mettre en cause les évaluations précédemment réalisées ni la DJA de l'aspartame de 40 mg/kg poids corporel (10). Des conclusions similaires sur les études publiées par l'Institut B Ramazzini ont par ailleurs été formulées par la US FDA le 20 avril 2007 (11).

Une nouvelle publication de l'Institut B Ramazzini parue en 2007(12) faisait encore état de l'augmentation de l'incidence de leucémies, lymphomes et de cancers des glandes mammaires chez les rats après l'exposition à l'aspartame in utero. En février 2009, l'EFSA a émis deux opinions sur cette nouvelle publication(13) et les conclusions ont été que les données disponibles obtenues n'indiquaient pas un potentiel génotoxique ou cancérigène de l'aspartame après une exposition in utero. En conséquence, la dose journalière admissible (DJA) établie pour l'aspartame de 40 mg/kg poids corporel était maintenue. Cette DJA est encore valable actuellement.

De nouvelles études scientifiques ont été très récemment publiées sur d'éventuels effets d'édulcorants alimentaires sur la santé : en particulier, une étude réalisée chez la souris, sur le lien entre aspartame et certaines tumeurs (issue du même institut Ramazzini), et une étude épidémiologique danoise, portant sur la relation entre la consommation de boissons édulcorées et le risque d'accouchement prématuré (14). Dans le cadre de la veille permanente qu'elle exerce, l'Anses va examiner sans délai ces nouvelles études en vue d'éventuelles recommandations aux autorités françaises, et saisira le cas échéant l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), compétente sur le sujet pour une réévaluation du risque.


1) Directive 94/35/CE du Parlement Européen et du Conseil du 30 juin 1994 concernant les édulcorants destinés à être employés dans les denrées alimentaires. JO n°L 237 du 10.9.1994, p.3.
(2) La DJA est l'estimation de la dose présente dans les aliments ou l'eau de boisson, exprimée en fonction du poids corporel, qui peut être ingérée tous les jours pendant toute la vie, sans risque appréciable pour la santé du consommateur, compte tenu de tous les facteurs connus au moment de l'évaluation. Elle est exprimée en milligrammes de substance par kilogramme de poids corporel.
(3) Olney JW, Farber NB, Spitznagel E, Robins LN. Increasing brain tumor rates: is there a link to aspartame? J. Neurpathol. Exp. Neurol. (1996) 55: 1115-1123.
(4) Opinion of the Scientific Committee on Food : Update on the Safety of Aspartam - 10 december 2002
(5) Rapport de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments sur la question d'un éventuel lien entre exposition à l'aspartame et tumeurs du cerveau. Afssa. 7 mai 2002.
(6) Soffritti M, Belpoggi F, Degli Esposito D, Lambertini L. Aspartame induces lymphomas and leukemias in rats. Eur. J. Oncol 10: 107-116,.2005.
(7) Soffritti M, Belpoggi F., Dogli Esposito D., Lambertini L., Tibaldi E., Rigano A. First experimental demonstration of the multipotent carcinogenic effects of aspartame administered in the feed of Sprague-Dawley rats. Environmental Health Perspectives 114:379-385, 2006.
(8) Press release. New research data on the sweetener aspartame to be considered by EFSA's scientific experts. 14 July 2005.
(9) Communiqué de presse. Aspartame : l'EFSA reçoit les données demandées à l'Institut Ramazzini. Les experts scientifiques entameront l'évaluation. 19 décembre 2005.
(10) Opinion of the Scientific Panel on Food Additives, Flavourings, Processing Aids and Materials in contact with Food (AFC) on a request from the Commission related to a new long-term carcinogenicity study on aspartame. The EFSA Journal 356:1-44, 2006.
(11) FDA Statement on European Aspartame Study. April 20, 2007.
(12) Soffritti M, Belpoggi F., Tibaldi E., Dogli Esposito D., Lauriola M. Life-Span Exposure to low doses of aspartame beginning during Prenatal life increases cancer effects in rats. Environmental Health Perspectives 115:1293-1297, 2007.
(13) efsa.europa.eu/EFSA/efsa_locale-1178620753812_1211902454309.htm
(14) Halldorsson T. et al. Intake of artificially sweetened soft drinks and risk of preterm delivery: a prospective cohort study in 59,334 Danish pregnant women. Am. J. Clin.Nutr. 92:626-633, 2010; Soffritti M. et al. Aspartame administered in feed, beginning prenatally through life span, induces cancers of the liver and lung in male Swiss Mice. Am. J. Ind. Med. 2010.