Evaluer les effets de la 5G - entretien avec Olivier Merckel
La 5G élargit les gammes de radiofréquences exploitées par la téléphonie mobile et participe ainsi aux évolutions des pratiques numériques. Ces innovations impliquent des nouvelles expositions aux ondes. Le sujet des effets des radiofréquences est l’un des champs d’expertise historiques de l’Anses. En 2020 et 2021, nous avons publié deux rapports visant à éclairer des risques éventuels liés au déploiement de la 5G. Entretien avec Olivier Merckel, Chef de l’unité d’évaluation des risques liés aux agents physiques.
Qu’est-ce la technologie 5G ?
La 5G, pour « cinquième génération », rassemble en réalité nombre d’innovations technologiques, dans le domaine des ondes électromagnétiques. Le plus visible, pour l’instant, concerne la téléphonie mobile à haut débit. Mais le déploiement des infrastructures en 5G vise également qu’un très grand nombre d’objets connectés puissent communiquer entre eux et avec divers réseaux, ou encore de pouvoir échanger des données très rapidement, pratiquement en temps réel, par des liaisons sans fil.
Quels sont les enjeux de l’exposition aux ondes pour notre santé ?
Le développement des technologies sans fil utilisant des ondes électromagnétiques radiofréquences s’est fortement accéléré ces vingt dernières années. Nous pouvons citer les nouvelles fonctionnalités pour les communications mobiles, l’essor des normes Bluetooth, du Wi-Fi, ou encore les objets connectés. Les comportements de consommation et les usages évoluent également très rapidement : l’internet mobile, le visionnage en ligne, les jeux en réseau, etc. La multiplication des offres technologiques, des réseaux et l’évolution des pratiques tendent à accroître l’exposition de la population aux ondes électromagnétiques, avec des situations très hétérogènes selon les lieux, par exemple. Concernant les connaissances sur les effets de l’exposition aux ondes sur la santé, les expertises les plus récentes s’appuyant sur plus de 25 ans de recherche, ne mettent pas en évidence de lien de cause à effet entre l’exposition aux ondes dans notre quotidien, et d’éventuels effets sur la santé, à court ou long terme.
En quoi a consisté l’expertise sur la 5G menée par l’Anses ?
Cette expertise s’inscrit dans la continuité des travaux que nous menons à l’Agence depuis 10 ans, sur les dangers et les risques en matière d’exposition aux champs électromagnétiques, qu’ils soient émis par les lignes à haute tension, la téléphonie mobile ou encore les compteurs Linky, par exemple.
Concernant la 5G, nous avons publié en janvier 2020 un rapport préliminaire qui soulignait le peu de données disponibles, à la fois en matière de niveaux d’exposition prévisible et, dans le domaine de la recherche, des effets éventuels aux fréquences spécifiques de la 5G. Une des principales questions soulevées à l’époque, à laquelle l’expertise a tenté de répondre, c’était notre capacité à interpréter les données disponibles issues des technologies actuelles pour les adapter à de nouvelles bandes de fréquences. Notre évaluation se concentre donc sur le fait que la 5G se déploie dans diverses fréquences, celles utilisées par les technologies mobiles actuelles de la 2G à la 4G (700 MHz à 2,1 GHz), mais aussi de nouvelles bandes de fréquences spécifiques (autour de 3,5 GHz et de 26 GHz). Ces trois bandes de fréquence distinctes impliquent des interactions différentes avec le corps humain. Au final, le déploiement de la 5G dans les bandes de fréquences des technologies 2G à 4G ne devrait pas générer d’exposition différente. Les messages de l’Agence invitant à limiter son exposition, en particulier à destination des enfants, restent donc tout à fait pertinents. Compte tenu notamment de la proximité des fréquences autour de 3,5 GHz avec celles utilisées par les technologies mobiles 2G à 4G, nous pensons que les déploiements dans cette bande, qui sont en cours, ne devraient pas engendrer de nouvelles questions en matière d’effets sur la santé. Bien sûr, ceci est conditionné aux données disponibles à l’heure actuelle, et nécessite de suivre avec attention le déploiement, en particulier pour obtenir des informations sur le niveau d’exposition réel des personnes. Quant aux applications de la 5G dans la bande 26 GHz, il faudra attendre les premières expérimentations pour obtenir des mesures d’exposition.
L’expertise de l’Agence montre par ailleurs qu’il est nécessaire d’engager des recherches pour obtenir une vision plus nette des effets qui pourraient concerner plus spécifiquement la peau ou l’œil, dans la mesure où ces rayonnements ne pénètrent pas plus loin que les premiers millimètres de la peau.
Comment cette expertise a été menée ?
L’expertise coordonnée par mon unité a été conduite par un groupe de travail spécifique réunissant douze experts de diverses disciplines : physiciens, biologistes, épidémiologistes, médecins, sociologue. Le travail a été soumis ensuite au Comité d’experts spécialisé « Agents physiques et nouvelles technologies ». Par ailleurs, deux études complémentaires ont été demandées au Laboratoire Interdisciplinaire Sciences Innovations Sociétés (Lisis) pour fournir un état des lieux de la controverse autour de la 5G : sa chronologie, ses acteurs et ses arènes d’expression. Les questions autour des effets de la 5G ont également fait l’objet d’échanges dans le cadre de notre Comité de dialogue qui regroupe les parties prenantes dans le domaine des radiofréquences : associations, syndicats, opérateurs et constructeurs de téléphonie mobile.
Pourquoi le rapport a été mis en consultation publique ?
Depuis quelques années, l’Agence donne la possibilité aux scientifiques, mais aussi aux diverses parties prenantes, d’apporter de nouvelles données dans le processus d’expertise, par le biais de la mise en consultation publique de rapports d’expertise emblématiques, comme par exemple ceux portant sur les radiofréquences et les enfants, ou encore l’électrohypersensibilité.
Au vu des éléments de controverse autour de la 5G et des déploiements encore en cours, de nouvelles données pourraient émerger rapidement, ce qui a motivé la mise en consultation publique du rapport d’expertise et de l’avis associé. L’Anses publiera les réponses aux commentaires reçus et, avec l’aide du groupe d’experts, complétera le cas échéant le rapport d’expertise et l’avis.