Face aux maladies émergentes : repenser la veille sanitaire mondiale
L’arrivée du COVID-19 impose-t-elle de repenser nos systèmes de veille sanitaire ? Comment identifier précocement les nouveaux signaux épidémiques ? C’est ce que font des chercheurs européens et nord-américains, experts des maladies émergentes, dont la plupart ont une origine animale, dans le cadre du projet MOOD qui a débuté en janvier 2020. Au sein de l’Anses, ce sont les épidémiologistes du Laboratoire de Lyon qui contribuent à ce projet H2020, réunissant 25 instituts de recherche et agences de santé publique, coordonné par le Cirad.
Quel est le risque d’introduction d’un nouveau pathogène en Europe ? Quel est le risque qu’il se propage ? Quelles sont les zones favorables pour sa diffusion ? Ce sont les questions initiales abordées dans le projet MOOD (Monitoring outbreak events for disease surveillance in a data science context). Ce projet vise à améliorer les outils et services d’intelligence épidémique, avec aujourd’hui un fort focus sur le COVID-19.
Coordonné par le Cirad dans le cadre du programme européen H2020, MOOD pèse 14 millions d’euros et réunit 25 partenaires – institutions de recherche, agences de santé publique, services vétérinaires - de 12 pays. A son issue, fin 2023, ses participants auront développé des nouveaux outils de veille, complémentaires à ceux déjà existants, pouvant être partagés dans tous les pays.
Face à l’urgence du COVID-19, les équipes de MOOD ont déployé sans attendre des actions spécifiques, notamment dans la modélisation de la transmission du virus, et la détection précoce des émergences et leur suivi.
Un projet pour unifier et améliorer la veille sanitaire en Europe et dans le monde
MOOD se déroulera en quatre étapes :
- Cinq études de cas sur les systèmes d'intelligence épidémique de pays européens aux statuts socio-économiques, géographiques, climatiques et aux modes de surveillance différents ont déjà commencé - l’Espagne, la Finlande, la France, l’Italie et la Serbie sont ciblés ;
- Un travail participatif avec les acteurs de l’intelligence épidémique de ces pays sera ensuite réalisé pour caractériser leurs systèmes, puis évaluer conjointement leurs besoins en termes d’outils et de services en intelligence épidémique ;
- Les outils et services seront développés et mis à disposition de l’ECDC et des agences de santé publique partenaires du projet puis diffusés en Europe et au-delà, notamment dans les pays du Sud ;
- Pour finir, les nouveaux outils et services ainsi co-construits seront partagés, à coût raisonnable et si possible en open source.
Pour l’Anses, l’unité Epidémiologie et appui à la surveillance du Laboratoire de Lyon participe plus particulièrement à :
- l’identification des acteurs de la surveillance et des utilisateurs finaux des outils et services développés dans MOOD ; inventaire des données épidémiologiques pour les études de cas et identification des modalités d’accès ;
- le développement d’approches de modélisation (de type machine learning) pour l’analyse de séries temporelles, l’évaluation de tendance et la détection d’anomalies ;
- la cartographie de l’antibiorésistance dans les populations animales en France ;
- la modélisation de la circulation des bactéries résistantes dans la filière bovine en France via les mouvements de bovins.
Sur les dernières périodes du projet, les équipes participeront à l’évaluation de l’impact des outils développés sur les pratiques de surveillance des utilisateurs (décisionnaires, acteurs de la surveillance, plateforme ESA, évaluateurs de risque).
Ainsi, pendant quatre ans, instituts de recherches, fondations et organisations gouvernementales de santé publique et vétérinaire œuvreront de concert pour unifier et améliorer les outils et services d’intelligence épidémique. En France, aux côtés du Cirad et de l’Anses, l’Inserm, l’Inrae, et l’Université de Montpellier sont impliqués dans le projet. L’European Center for Disease Control, ECDC, est un des partenaires importants de MOOD, ainsi que l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation) et l’OIE (Organisation mondiale de la santé animale).
Les partenaires impliqués dans MOOD
- France : Anses, Cirad, INRAE, Inserm, Université de Montpellier, GERDAL ;
- Allemagne : Mundialis GmbH & Co KG ;
- Belgique : University of Antwerp, Université Libre de Bruxelles, Katolich University of Leuven, AVIA-GIS ;
- Espagne : Instituto de Salud Carlos III ;
- Italie : Fondazione Edmund Mach, Istituto Superiore di Sanita ;
- Finlande : National Institute for Health and Welfare ;
- Pays-Bas : Stichting OpenGeoHub ;
- Portugal : Université de Lisbonne ;
- Royaume-Uni : Environmental Research Group Oxford, University of Southampton ;
- Serbie : Institute of Public Health of Serbia ;
- Suisse : ETH Zürich, Swiss Institute of Bioinformatics ;
- Etats-Unis : International Society for Infectious Diseases Incorporated.
Systèmes d’intelligence épidémique ou comment évaluer le risque d'émergence de pathogènes
Changement climatique, mobilité animale et humaine, croissance démographique, urbanisation, etc. : il existe aujourd’hui un risque accru d'émergence de nouveaux agents pathogènes, et d’accélération de leur propagation au niveau mondial. La rapidité de détection de ces émergences et d’évaluation des risques qu’ils représentent pour la santé publique est cruciale : c’est une question de jours, parfois d’heures…
Pour faire face, les agences de santé publique développent des systèmes d’intelligence épidémique, qui s’appuient sur deux types d’informations : les sources dites « officielles », déclarées par les services de santé publique ; les sources dites « non-officielles », qui relaient les informations trouvées dans les médias, des articles scientifiques, ou encore des données de laboratoires.
Ces dernières années, les systèmes basés sur les sources non-officielles se sont montrés particulièrement efficaces pour détecter l’émergence de nouvelles maladies, en exploitant, par exemple, les données provenant de forums d’internautes, d’articles de journaux en ligne ou encore des réseaux sociaux. Mais ils génèrent d’immenses quantités de données à traiter. Comment détecter précocement des signaux d’émergence parmi toutes ces informations ? Comment les prioriser ? Comment les interpréter ? Comment évaluer le risque de propagation d’un nouveau pathogène ?
MOOD ambitionne de répondre à ces questions, en offrant aux plateformes de surveillance existantes un appui méthodologique et pratique en réponse à leurs besoins. Outre les données sanitaires, d’autres types de données seront incorporées pour mieux évaluer le risque de propagation d’un pathogène tels que le climat, les migrations, l’occupation des sols ou encore la déforestation, ...
Ce projet a reçu des fonds du programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union Européenne sous la convention de financement No 874850 - MOOD.